Ouverture de la chasse en Belgique : polémique autour des lâchers d’oiseaux
À l’heure où s’ouvre la saison de la chasse en Wallonie, la pratique controversée du lâcher d’oiseaux soulève une nouvelle fois l’indignation. Entre dégâts sur la biodiversité et risques sanitaires, la législation avance à petits pas… mais une victoire importante vient néanmoins d’être obtenue pour la perdrix grise.
Chaque automne en Belgique, le même scénario se répète : des milliers de faisans et de colverts élevés en captivité sont relâchés dans la nature quelques jours, voire quelques heures avant les battues. L'objectif ? Offrir aux chasseurs une « belle partie » riche en cibles faciles. Une pratique que les naturalistes dénoncent depuis des années pour son impact écologique catastrophique. « On introduit massivement des milliers d’oiseaux dans la nature sur des territoires exigus juste pour faire une belle partie de chasse et avoir un maximum de cibles », explique Damien Hubaut, écopédagogue aux Cercles Naturalistes de Belgique (CNB), spécialiste en ornithologie et en photographie naturaliste.
Des dégâts considérables sur les écosystèmes
Contrairement aux oiseaux sauvages, les faisans d’élevage sont peu farouches. Ils s’adaptent mal au milieu naturel et se rabattent sur la petite faune locale pour se nourrir. « Le faisan est comme une poule qui picore tout ce qui passe à portée de son bec : insectes, limaces, escargots, petites grenouilles, tritons ou couleuvres » détaille Damien Hubaut. Ces prédations ruinent parfois en quelques jours des années d’efforts de protection de certaines espèces déjà menacées.
Du côté des colverts, le constat est tout aussi alarmant. Un seul couple peut bouleverser l’équilibre d’une mare en quelques heures ; imaginez alors l’impact de plusieurs centaines ou milliers d’individus introduits brutalement dans des étangs forestiers. Au-delà des dégâts écologiques, ces oiseaux d’élevage représentent aussi un risque sanitaire non négligeable, notamment par la propagation possible de la grippe aviaire.
« L’origine de ces oiseaux est souvent douteuse, et leur introduction massive est une bombe à retardement écologique », alerte Damien Hubaut. Cette pratique, pourtant encore légale dans une large mesure, va à rebours des politiques européennes de protection de la biodiversité. Depuis vingt ans, la Wallonie a connu un effondrement spectaculaire de nombreuses espèces d’oiseaux des plaines et zones humides, lié à la fois à l’intensification agricole, à l’urbanisation et à la pression cynégétique. Les suivis ornithologiques réalisés par diverses associations et l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS) confirment cette tendance lourde.
La perdrix grise enfin épargnée
Mais tout n’est pas noir pour autant : la perdrix grise, emblème des bocages wallons, bénéficie désormais d’un sursis bien mérité. Son tir a été cette année interdit en Wallonie, une victoire importante pour les naturalistes (mais pas forcément définitive). Jadis commune, l’espèce a vu ses effectifs s’effondrer sous les coups combinés des pesticides, de la disparition des haies et de la mécanisation agricole. Même ses fortes capacités de reproduction ne suffisent plus à compenser la mortalité. « Le fait d’avoir obtenu l’interdiction du tir est une décision logique et encourageante », se réjouit Damien Hubaut, « les populations sont aujourd’hui à un seuil critique, proche de l’extinction en Wallonie. » Cette avancée montre qu’une législation cohérente peut contribuer à inverser la tendance, à condition d’être accompagnée de mesures fortes en faveur des habitats agricoles et d’un encadrement strict des pratiques de chasse.
Pour aller plus loin
Alors que la chasse reste un sujet sensible en Belgique, les associations naturalistes continuent de plaider pour une réforme profonde du système, en particulier l’interdiction pure et simple des lâchers d’oiseaux d’élevage. Pour comprendre les enjeux, s’informer sur les actions citoyennes ou signaler des dérives locales, rendez-vous sur le site de Stop Dérives Chasse.
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