Les 11,12 et 13 octobre 2024, le Cercle « Entre Haine et Honnelles » créée à Frameries en septembre 2021 a proposé un week-end spécial « Terrils et Charbonnages » à ses membres et sympathisants. Proposer trois jours d’activités sur un même thème était un pari inédit et un peu risqué. Le public serait-il au rendez-vous ?
Pour éviter la lassitude, nous avons préparé un programme varié : balades nature sur les terrils, visites de sites miniers, présentation d’ouvrages anciens, conférences.
Aidés par une météo exceptionnelle pour la saison, nous avons enregistré 117 inscriptions, preuve que les Borains s’intéressent à nouveau à leur passé minier. Mais surprise, nous avons également reçu des gens de Halle, Tournai, Braine-le-Comte, Merbes-le-Château,…
Introduction
Le Borinage est un petit territoire situé à l’ouest de Mons, dans le fond alluvial de la vallée de la Haine. Berceau de la révolution industrielle européenne après l’Angleterre, il ne doit son identité qu’à l’ancienneté et l’intensité de l’activité charbonnière aujourd’hui disparue. De nombreux espaces verts qui parsèment le Borinage correspondent aux très nombreux terrils proches des anciens puits. Ces buttes ont été érigées par l’amoncellement de déchets de l’activité extractive essentiellement des schistes et en moindre mesure des grès provenant non seulement du creusement des galeries mais aussi du lavage du charbon.
Vendredi 11 octobre au matin : visite de la réserve de Marcasse à Wasmes
D’emblée, Yves Carlier, notre guide nous explique que les vestiges industriels permettent la nidification ou la présence de certaines espèces d’oiseaux : Faucon crécerelle, Rouge-queue noir, Hibou moyen-duc, Hibou grand-duc ainsi que de nombreuses Chauves-souris.
A Wasmes, le terril de Marcasse abrite une réserve naturelle. A l’origine vierges de toute végétation, les terrils se couvrent avec le temps d’espèces végétales tout-à-fait particulières.
Le site accueille de nombreuses plantes dont certaines sont rares pour la région comme la Cotonnière naine (Filago minima), une petite plante de la famille des astéracées couverte de poils argentés. Nous observons le Lotier corniculé, le Sénéçon du cap, la Vipérine, la Picride ou Picris fausse épervière (Picris hiéracioides),l’Onagre.
Notre guide nous parle des oeillets présents sur le terril:l’oeillet velu (Dianthus armeria) et l’oeillet prolifère (Petrorhagia prolifera). Nous ne les verrons pas alors certains participants proposent de revenir au printemps.
On dénombre 38 espèces de papillons de jour (Soufré, Nacré de la ronce,..) et 350 papillons nocturnes. On espère le retour du Flambé, du Gazé.
De nombreux oiseaux sont présents :le Rouge-gorge, le Grimpereau des jardins, le Troglodyte mignon, l’Orite à longue queue, la Grive musicienne, le Pic vert et le Pic épeiche.
Grâce à la création de quatre mares, les batraciens trouvent un site propice pour la reproduction. On trouve notamment le Crapaud calamite et l’Alyte accoucheur.
Cette liste n’est évidemment pas exhaustive.


Vendredi 11 octobre après-midi : visite du site industriel de Marcasse

Non loin du terril, se dressent les vestiges du site charbonnier. C’est ici que Vincent Van Gogh descendit en 1879 à plus de 700 mètres de profondeur pour partager le dur labeur des mineurs.
Formé d’un ensemble de bâtiments en brique et ossature en béton, le charbonnage a cessé ses activités en 1954 après un ultime coup de grisou fatal à 17 mineurs le 13 janvier 1953. Nadine Gravis nous accueille chaleureusement avec un délicieux morceau de pagnon borain et une tasse de café puis nous fait visiter les lieux en nous donnant de nombreuses explications.
Vendredi 11 octobre et samedi 12 à 17 h : Présentation de livres anciens
Guy Tassigny nous présente deux ouvrages exceptionnels :
L’atlas Ponçon : l’équipement des exploitations minières. Edition 1856 Liège/Mons
L’atlas Evrard : Exploitation des mines et équipement. Edition 1882
Les dessins de ces deux catalogues sont d’une précision extraordinaire. Ils décrivent les outils de la mine, les structures des charbonnages de la région et du nord de la France.
Vendredi 11 octobre à 18 h : Conférence « Le charbon, une roche pas comme les autres… »
Place à la géologie avec Thierry Mortier pour expliquer la formation du charbon sous forme d’un diaporama fort intéressant.
« A la fin du Carbonifère (entre -320 et 300 Ma), notre région correspond à une vaste lagune et jouit d’un climat de type équatorial, chaud et humide et est épisodiquement envahie par la mer. Nous sommes alors situés au nord de la grande chaîne varisque dont une partie se trouvait à l’emplacement du Bassin de Paris. C’est dans cet environnement qu’une végétation luxuriante s’est développée pour former la forêt houillère dont ne subsistent actuellement que peu de représentants comme certains Lycopodes et Equisétales. » (Extrait du volume 4 Itinéraires pédagogiques du Géoparc du Bassin de Mons p 35 par l’ASBL Malogne)
Samedi 12 octobre à 18 h : Conférence « Les terrils des charbonnages du Borinage »
Place à l’histoire et à la géographie avec Claude Debehault. Bien connu dans la région, Claude Debehault est géographe et pédologue. C’est un ardent défenseur des terrils. Agé de 82 ans, il a bien connu les charbonnages en pleine activité, leur déclin et leur fermeture. En guise de préambule, il nous présente deux cartes de la région : la première date de 1964. On y dénombre 126 terrils. La seconde date de 2024. Il n’en reste que 83 donc un tiers a disparu.
Claude Debehault a présenté et commenté des photos en noir et blanc , témoignages de l’activité et des paysages dans les années 50 et 60. Certains terrils très imposants ont complètement disparu et de grosses usines se sont implantées à leur emplacement.
Les thèmes abordés sont l’origine historique, les différentes formes, l’exploitation ,la nomenclature des terrils, l’exploitation végétale, la combustion et l’évolution des terrils depuis 60 ans.
Dimanche 13 octobre à 14 h Visite du site industriel du Crachet à Frameries.
Le site du SparkOh ! vulgarise la science ainsi que la vie professionnelle et sociale des mineurs. Il occupe l’ancien site charbonnier de Crachet-Piquery et s’adresse principalement à un jeune public. Notre groupe de 21 personnes bénéficie d’une visite guidée et gratuite assurée par Sarah Delauney, une guide du SparkOh !
Elle nous montre les bâtiments qui subsistent aujourd’hui et qui ont bénéficié d’une excellente restauration: silo, lavoir, lampisterie…
Un tunnel creusé sous Frameries a permis de ramener les charbons extraits au Grisoeil et au Grand-Trait vers le nouveau lavoir. En 1960, en dépit de gros investissements, le charbonnage a fermé . Il est classé depuis 1989 et a été réaménagé par l’architecte Jean Nouvel. De nombreux panneaux didactiques situés à l’extérieur nous renseignent sur l’activité passée. L’emblème de ce site est l’imposant châssis à molettes en métal d’une hauteur de 60 mètres. Il a remplacé en 1950 un ancien châssis en bois. La cage d’extraction descendant à 1031 mètres en fait un des puits les plus profonds du Borinage.


Dimanche 13 octobre à 15 h : Balade nature sur l’Héribus à Cuesmes
Nicolas Pizzoferrato va faire découvrir ce site magnifique à 25 participants dont certains viennent de loin. Il va réussir à captiver tout le groupe y compris les enfants qui ont posé beaucoup de questions.

Site classé, le terril culmine à 137 mètres soit un dénivelé de 80 mètres. Le terril est édifié sur une colline préexistante : la colline de l’Eribut
Les deux puits de l’Héribus ont été exploités jusqu’en 1968. Les puits n°1 (850 m) et n°2 (892 m) ont été scellés en 1973. Ce site minier était équipé des techniques les plus modernes. Il produisait au moins 1000 tonnes par jour.
Depuis 1968, la conquête forestière du terril est bien avancée. Le Bouleau, espèce pionnière, est presque exclusif. Cependant, on trouve aussi le Robinier faux-acacia, le Frêne, l’Erable sycomore ou le Peuplier tremble.
Au sommet de l’Héribus, nous trouvons une table d’orientation et une vue à 360°. Notre guide nous donne le nom de tous les terrils.Grâce à une météo optimale,nous voyons très bien le châssis à molettes du site du Crachet où nous étions à 14 h.
De l’autre côté, nous bénéficions d’une vue imprenable sur Mons : la collégiale Sainte-Waudru , le beffroi, la tour de l’Hôtel de ville et même l’église Sainte Elisabeth.
De la partie méridionale du sommet, on peut en s’aventurant sur une pente assez raide atteindre une zone sans végétation arborée où s’échappent des fumerolles. Celles-ci témoignent du processus de combustion de cette partie de l’Héribus
Conclusion
Un grand merci à nos guides et conférenciers Yves Carlier, Nadine Gravis, Guy Tassigny, Thierry Mortier, Claude Debehault, Yannick Gilliard, Sarah Delauney et Nicolas Pizzoferrato qui nous ont transmis leurs connaissances avec passion, contribuant ainsi au succès de ce week-end spécial terrils. Si cet article est volontairement incomplet, c’est pour être sûr de vous retrouver encore plus nombreux en juin 2025 pour des compléments d’information lors de notre week-end spécial « Nos terrils au printemps ».
Par Françoise Stiévenart
Bibliographie
Itinéraires d’un ancien bassin charbonnier : le Borinage
Collection Hommes et paysages n°51
Rédigé par la Société Royale Belge de Géographie, le Cercle d’Histoire de Saint-Ghislain et le Cercle archéologique de Mons
Itinéraires pédagogiques du géoparc du Bassin de Mons
Volume 4 : Les Hauts-Pays et le Borinage
UMons et A.S.B.L Malogne
Le Borinage 1781-2014
Paul Berckmans
Les dossiers de l’IPW n° 17
Site VisitMons : le terril de Marcass