La tique et ses régulateurs naturels

Juin, le mois qui mord ! En effet, la plupart des morsures de tiques en Belgique sont déclarées dans la période de mars à octobre, mais leur nombre culmine en juin. Si la prévention est de mise, la sauvegarde des régulateurs naturels et de leurs habitats l’est d’autant plus !

La tique, petite bête qui monte…

Les tiques sont de petits arachnides parasites appartenant à l’ordre des Ixodida. De couleur brun-noir, leur taille varie de quelques millimètres à 1,5 cm dans nos régions, en fonction du stade de développement. Elles ont un corps ovale et aplati, avec une tête caractéristique munie de pièces buccales en forme de crochets qui leur permettent de s’attacher à leur hôte. Les tiques adultes ont généralement huit pattes, tandis que les larves en ont six.

La Belgique compte plusieurs espèces de tiques, mais les plus courantes sont Ixodes ricinus (aussi appelée la tique du mouton) et Ixodes hexagonus, tandis que Dermacentor reticulatus (voir 1ère photo -@Stéphane Claerebout) a une distribution inégale.

Le gîte et le couvert

Les tiques sont des parasites hématophages, ce qui signifie qu’elles se nourrissent de sang d’animaux, y compris les mammifères, dont les humains, les oiseaux (en particulier les migrateurs), les reptiles, les amphibiens. Une fois qu’une tique est attachée à la peau, elle peut commencer à se nourrir de sang et potentiellement transmettre des maladies si elle est infectée. 

Elles détectent leurs hôtes potentiels en percevant les signaux chimiques et la chaleur émise par ces derniers avec un organe particulier (l’organe de Haller), qui leur permet de capter tous les stimuli lui indiquant l’identité de l’hôte en approche et la direction qu’il prend, notamment en détectant ; le dioxyde de carbone, l’ammoniac, le sulfure d’hydrogène et une variété de composés organiques tels que ceux émis par la respiration, l’haleine ou la sueur d’hôtes potentiels.

L’accouplement a lieu sur l’hôte, la femelle pond des milliers d’œufs qui éclosent pour libérer des larves. Les larves se nourrissent d’un premier repas de sang, puis muent pour devenir des nymphes. Les nymphes se nourrissent à leur tour et muent pour devenir des tiques adultes, qui se reproduisent à nouveau avant de mourir.

Transports en commun

Les tiques se trouvent souvent à proximité du sol, attendant de s’accrocher à un hôte. Elles fuient le soleil et la sécheresse et préfèrent généralement les habitats avec une végétation dense, comme les hautes herbes, les buissons, et se trouvent autant dans les prairies, les forêts que dans les jardins.

Lors de la recherche de leurs hôtes, elles grimpent sur la végétation tant herbacée qu’arbustive, à l’aide de leurs pattes arrière tout en maintenant leurs pattes avant dressées devant elles (à la manière des antennes d’un insecte).

Nos régulateurs naturels

Il est important de noter que la plupart des régulateurs et consommateurs directs de tiques en sont eux-mêmes les hôtes. Le simple passage d’un régulateur suffit au nourrissage, à la reproduction et au transport de celle-ci. Les tiques à l’état larvaire se nourrissent principalement sur les petits rongeurs (sur lesquels elles peuvent être infectées par des agents pathogènes). Ensuite, les nymphes se déplacent sur des hôtes plus grands comme les renards, les cerfs, les chevreuils, l’être humain et y atteignent le stade adulte.

Ces hôtes régulateurs servent ainsi de garde-manger interdépendant, sur lequel tiques et régulateurs eux-mêmes peuvent se servir directement. Il est donc important de favoriser le passage et les déplacements de ces régulateurs en milieu ouvert en favorisant la biodiversité. Et aussi en préservant leurs habitats naturels, car leurs activités et leurs déplacements sont fortement dépendants du milieu dans lequel ils vivent. Mais qui sont-ils ?

Les oiseaux

Nos passereaux, les merles et les poules sont des hôtes et des consommateurs directs de tiques. Les parents en font même un repas facile et rapide pour leurs oisillons et poussins.

Nos rapaces sont de grands consommateurs de rongeurs et, par conséquent, des régulateurs indirects de tiques. Le rapace qui a le régime le plus monotone et donc qui chasse presque uniquement des campagnols est le Hibou moyen-duc. C’est aussi le rapace le plus abondant partout en Belgique, car il a un habitat très commun, principalement les boqueteaux.

Les amphibiens et reptiles

Nos amphibiens peuvent tous consommer des tiques (crapaud commun, calamite, accoucheur, triton ponctué, salamandre tachetée…). Parasités, ils en consomment une grande partie sur eux-mêmes grâce à leur grande souplesse. Certains lézards ou des orvets (voir ci-contre l’orvet fragile) mangent les tiques et aussi leurs larves.

Les mammifères insectivores

Nos mammifères insectivores, tels que les musaraignes, les taupes et les hérissons sont connus pour se nourrir activement de tiques et en transporter.

Bon porteur, le hérisson ne peut malheureusement pas consommer directement sur lui, à cause de ses piquants. Les musaraignes sont connues pour leur appétit vorace et leur capacité à consommer une grande quantité d’insectes en une seule nuit. Quelques chauves-souris qui chassent au sol telles que l’oreillard roux et le grand murin peuvent aussi en faire un fast-food à l’occasion.

Les mammifères carnivores

Nos mammifères carnivores (fouine, martre, chat sauvage, blaireau, loutre, putois, hermine, belette, renard) peuvent par leur simple existence réduire indirectement le nombre de tiques sur les hôtes-rongeurs. Car ceux-ci réduisent leurs déplacements et adoptent un comportement de refuge accru en présence d’un prédateur ou d’indices de sa présence. Le mouvement étant un paramètre important qui détermine le taux de rencontre des hôtes avec les tiques.

Le renard roux a la plus grande proportion de biomasse de petits rongeurs dans son régime alimentaire (les hôtes préférés des tiques et sur lesquels se développent les nymphes de tiques infectées).

*Une étude réalisée en 2018 et portant sur les Effets en cascade de l’activité des prédateurs et le risque de maladies transmises par les tiques a ainsi permis de prouver l’impact du renard roux et de la martre sur la régulation des populations de rongeurs (comme le campagnol roussâtre Myodes glareolus et le mulot sylvestre Apodemus sylvaticus, dans les forêts des Pays-Bas) et, par conséquent, les tiques dont ils sont les hôtes les plus importants en Europe. 

Préservons nos régulateurs naturels !

L’émergence d’effets en cascade de l’activité des prédateurs naturels (directs ou indirects) sur le risque des maladies transmises par les tiques appelle à la protection de ces espèces en Belgique. À notre échelle, agissons pour les favoriser ! Voici quelques conseils :

La première est de placer des écuelles d’eau, a fortiori maintenant avec cette sécheresse insidieuse. La deuxième est d’entretenir le moins possible son jardin, ne pas tailler les haies de mai à juillet, laisser des espaces de tontes, feuilles et branchages en tas, marais et prairies humides, ouvrir les clôtures, planter de petits fruitiers indigènes, avec un compost accessible. La troisième est d’éliminer tout éclairage artificiel, de laisser des espaces où l’Homme ne peut passer et de mettre la tondeuse tortue au repos. Et enfin, leur faire confiance… tout en s’inspectant, prêt à dégainer la pince à épiler.


Références : 

*Cet article a été écrit en collaboration avec nos écopédagogues ; Isabelle Pierdomenico pour les mammifères, Stéphane Claerebout pour les tiques, Arthur Timmermans pour les amphibiens et Damien Hubaut pour les oiseaux. Merci à eux !


Intéressé(e) par les mammifères ? Nous proposons un stage sur ce sujet :

Stage 49 (V) – Sur la piste des mammifères ! – Du mercredi 8 nov. 09:30 au vendredi 10 nov. 16:00 – Rue de la Chapelle 2, 5670 Viroinval, Belgique – Guide(s) : Isabelle PIERDOMENICO, Stefanie VANNIEUWENHOVE

Lors de nos balades, nous croisons rarement des mammifères en chair et en os, mais nos voisins invisibles laissent des traces qui témoignent de multiples interdépendances. Remontons leurs pistes grâce à des méthodes de recherche et des relevés rigoureux. Appréhendons les chemins que nous parcourons comme des lieux de vie innombrables, comme des territoires que nous partageons avec une multitude d’espèces. Repensons ensemble la cohabitation et notre manière d’habiter ces espaces.