Limaces, potager et hérissons, un équilibre fragile

Sans surprise, avec la météo propice, les limaces envahissent nos potagers et nos jardins. Cependant, il est important d’éviter l’utilisation des produits dits « anti-limaces », car ils empoisonnent nos sols et un des principaux prédateurs de celles-ci, nos hérissons !  

La gestion des limaces et des gastéropodes en général est très compliquée cette année. Le cumul d’une année avec un hiver relativement doux, accompagné d’une période longue et pluvieuse ont été très favorable à la prolifération de ces mollusques peu désirés au jardin

Granulés & Nématodes

Il en existe deux types de granulés anti-limaces. Les premiers, souvent de couleur bleue, sont composés de méthaldéhyde, composé extrêmement toxique pour les animaux et les humains. Même mortes, les limaces restent toxiques pour la faune. L’autre option, ce sont les granulés, souvent de teinte verdâtre, composés de phosphate de fer. Des études tendent à démontrer qu’il y a une toxicité assez importante vis à vis des invertébrés dont le lombric terrestre (Langan, 2006). De plus, l’ingestion de ce produit ou de limaces empoisonnées peut provoquer convulsions et autres troubles.

Enfin, il y a l’option des nématodes anti-limaces. Néanmoins, ceux-ci sont contraignants. Premièrement, la température doit être supérieure à 12°C et le sol doit être bien humide pendant un minimum de 2 à 3 semaines, le temps que ces vers tuent les limaces infectées avant d’ensuite aller contaminer d’autres mollusques, laissant ainsi des conditions favorables à la vie des limaces. Deuxièmement, seules certaines espèces peuvent être infectées et parfois uniquement au stade juvénile, le traitement étant totalement inefficace sur les adultes. Enfin, le délai d’action est de deux à trois semaines et n’a donc pas un effet immédiat.

En tant que naturalistes, nous déconseillons ces pratiques, car chaque être vivant à sa place et est utile dans la grande toile de la biodiversité, y compris les gastéropodes. (Voir notre article : Les limaces, nos petites broyeuses écologiques )

Gestion directe et accueil des prédateurs

Pour protéger nos plants de ces attaques sans partir à la « chasse », il faut les gérer sur deux fronts. Tout d’abord, une gestion dans l’immédiat qui vise principalement à protéger les plantes les plus sensibles aux attaques de ces animaux. Par temps humides, malheureusement, beaucoup de méthodes ne sont pas aussi efficaces que par temps secs :

  • Tout d’abord, oubliez le mythe des coquilles d’œufs qui ne fonctionne pas. De même, évitez les cendres fines qui, bien qu’efficaces, risquent également de déséquilibrer la chimie de votre sol (on recommande de ne jamais dépasser plus d’une poignée au m²).
  • Le marc de café sec est une bonne alternative, mais attention, car il inhibe également la germination des graines.
  • Reste alors les paillis de lin et de chanvre ou encore de frondes séchées de fougère aigle qui sont efficaces.
  • Vous pouvez également faire usage de plantes répulsives telles que l’absinthe, les thyms à thymol et linalol ainsi que l’hysope.

Dans un second temps, il faut, paradoxalement, créer des espaces accueillants pour les limaces et escargots mais également pour leurs prédateurs. Pour ce faire, il faut les disposer loin des zones à protéger et y fournir le gîte et le couvert. Par exemple, un tas de bois mort et/ou de matière ligneuse en décomposition, ainsi que des massifs de plantes telles que les orties feront de bons leurres plurifonctionnels au jardin. Ces endroits finiront également par abriter des prédateurs, batraciens ou mammifères tels que les musaraignes et les hérissons.

Bien évidemment, en dernier recours, la mise à mort des limaces en vous aidant de poules qui viendront gratter les parcelles ou de canards de race « coureur indien ». Ces deux dernières options requièrent des aménagements spécifiques qui peuvent s’avérer contraignants.

Yves Desmons, botaniste et écopédagogue CNB, pour la formation Jardinage Naturaliste

Les héros anti-limaces

La limace léopard (Limax maximus), également appelée grande limace grise, est connue pour se nourrir d’autres limaces. Elle est omnivore et son régime alimentaire comprend une variété d’aliments, y compris des champignons, des plantes en décomposition et d’autres limaces. Une véritable alliée du jardin ! (Photo : Christian Host du Cercle CNB Attire d’Ailes)

Le hérisson déambule dès le crépuscule jusqu’à l’aube à la recherche de ses mets favoris : lombrics, jeunes rongeurs, insectes, fruits tombés au sol… Et les limaces ! Il est vraisemblable qu’au cours d’une seule nuit, un hérisson puisse éliminer une centaine de ces mollusques. Si vous utilisez des produits anti-limaces, vous empoisonnez le hérisson, déjà en voie d’extinction dans notre pays à cause du trafic routier et des robots tondeurs. 

Dans l’abondante littérature anti-limaces, vous serez sans doute séduit par ce conseil de disposer ces granulés sous des “tunnels” afin de n’avoir plus qu’à ramasser les limaces prises au piège : cette protection reste insuffisante, car un hérisson risque de s’intoxiquer s’il consomme des limaces rescapées !

Les produits anti-limaces empoisonnent le sol de votre potager, donc vos légumes ; ils empoisonnent le petit peuple de l’herbe et les oiseaux qui se nourrissent de ces limaces (merle, grive) ; ils peuvent être également dangereux pour vos mammifères favoris : chat, chien, lapin.

En outre, les limaces sont elles-mêmes des héros bien utiles, qui débarrassent les excréments et charognes de nos sentiers : si vous laissez trop longtemps les cadavres de limaces dans le jardin, d’autres fringantes limaces se hâteront vers cette manne ! (Voir notre article : Les limaces, nos petites broyeuses écologiques )

Isabelle Pierdomenico, mammalogue et écopédagogue CNB, pour les formations de Mammalogie

Que dit la loi ?

Le Hérisson d’Europe est mentionné dans l’Annexe 3 du décret du 6 décembre 2001 modifiant la Loi du 12 juillet 1973 de la Conservation de la Nature qui indique (Article 2) que cette espèce est partiellement protégée.

Cette protection implique l’interdiction :

  • 1° de capturer et de mettre à mort intentionnellement de spécimens de ces espèces dans la nature ;
  • 2° de perturber intentionnellement ces espèces, notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d’hibernation et de migration ; (Cette phase de socialisation, a lieu d’avril à août. Durant cette période, les hérissons vont se déplacer rapidement afin de trouver leurs congénères.)
  • 3° de détruire ou de ramasser intentionnellement dans la nature ou de détenir des œufs de ces espèces ;
  • à l’exception de la détention temporaire d’amphibiens ou de leurs œufs à des fins pédagogiques ou scientifiques.

La détention, l’achat, l’échange, la vente ou la mise en vente de ces espèces sont également interdits, ainsi que la perturbation ou la destruction des sites de reproduction des mammifères.

Source : Portail Wallonie.be


Les CNB tiennent à remercier les CREAVES et nos membres attentifs, qui nous ont alerté sur ce problème, ainsi que nos écopédagogues qui ont répondu au plus vite. N’hésitez pas à partager cet article pour que les personnes qui utilisent encore ces produits comprennent les conséquences de leur utilisation.


Bibliographie

(Cervera-Mata et al. 2020; Ciesielczuk et al. 2018; Hardgrove and Livesley 2016; Wakasawa et al. 1998). 

Cervera-Mata, A., G. Delgado, J. Montilla-Gmez, M. Navarro-Alarcn, S. Pastoriza, and J.A. Rufin-Henares. 2020. Phytotoxicity and Chelating Capacity of Spent Coffee Grounds: Two Contrasting Faces in Its Use as Soil Organic Amendment. Science of the Total Environment 717.

Ciesielczuk, T., A. Szewczyk, C. Rosik-Dulewska, D. Miłek, I. Sławiska, and J. Poluszyska. 2018. Acute Toxicity of Experimental Fertilizers Made of Spent Coffee Grounds. Waste and Biomass Valorization 9 (11): 2157–2164.

Capinera, J.L., 2018. Assessment of barrier materials to protect plants from Florida leatherleaf slug (Mollusca: Gastropoda: Veronicellidae). Fla. Entomol. 101, 373–381.

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Macdonald D. W. & Barrett P. 2015. Guide complet des mammifères de France et d’Europe. Plus de 200 espèces terrestres et aquatiques. Éd. Delachaux & Niestlé, 304 p.

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Langan, A.M.; Shaw, E.M. Responses of the Earthworm Lumbricus terrestris (L.) to Iron Phosphate and Metaldehyde Slug Pellet

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