Le brame du cerf au royaume des biches

Chaque année à l’automne, nous espérons entendre la symphonie du roi de la forêt ! Un phénomène envoûtant, majestueux, primitif, captivant et éphémère dont beaucoup de naturalistes raffolent.

Le brame du cerf définit ces braillements intenses, puissants et rauques que le cerf pousse dans les airs et qui peut résonner dans les forêts et les vallées à des kilomètres à la ronde. Une manifestation sonore complexe composée de rugissements, de grognements et de souffles qui créer une véritable atmosphère électrique dans les forêts. En effet, il existe plusieurs sons de brame selon les situations…

Au royaume de ces dames

Le brame du cerf a lieu pendant la période des amours, une période importante et qui bouscule un peu les codes et les structures familiales de la harde, que l’on peut observer le reste de l’année. En effet, les biches vivent en harde avec leurs petits et sont les seules maîtresses de la structure familiale. Au printemps de sa 2ème année, le jeune cerf (le daget) sera chassé par sa mère. Il vivra alors sa vie de son côté avant le grand tournoi des prétendants.

C’est donc uniquement pendant le brame que les princes deviennent territoriaux et arrivent sur le territoire des biches. Le cerf ne détient pas la harde, mais il garde jalousement le territoire, car plus le royaume est grand et riche (de nourriture), plus les convives seront ravies de rester. Tous se regroupent alors dans l’arène, en famille avec mères et enfants en bas âge et les futurs prétendants au tournoi.

Revendiquer, provoquer, séduire…

La première utilité du brame est celle de revendiquer et d’intimider. Arrivé dans l’arène, le futur roi de la forêt se fait entendre, il pousse alors « le brame de présence ». En bramant le cerf envoie un signal aux éventuels rivaux, les invitant à passer leur route et si besoin, à quitter le territoire. Plus son cri est puissant, plus il a une chance d’éloigner son rival.  

Une fois en place, le roi est sur ses gardes pendant un mois ! Il s’épuise littéralement en bramant, mais aussi en se déplaçant d’un coin à l’autre pour contrôler le territoire. Dans un état de vigilance permanente, il va se frotter sur les arbres, déposer des sécrétions, se rouler etc. Sans oublier de se reproduire et de combattre pour garder l’attention de ces dames ! À cette période, le cerf se nourrit très peu ou du moins plus correctement. Il peut perdre jusqu’à 30 kg !

La deuxième utilité du brame est la provocation. Arrivé à l’âge adulte, le petit prince cerf cherchera à s’accoupler. Il entrera dans l’arène pour séduire ces dames. Le roi en place impressionne et intimide, mais le jeune prétendant brame aussi pour signaler sa présence, voir même pour provoquer le duel ! Il pousse alors un brame un peu plus aigu « le brame de défi ».

Et enfin, l’utilité la plus évidente du brame est bien de séduire ces dames. C’est bien celui qui brame le plus fort qui attire l’attention. Contrairement à ce que l’on pense, c’est la biche qui va autoriser le cerf à s’accoupler avec elle, et quand elle l’aura décidé. Car la période de reproduction est très courte, pendant 24 heures, une seule fois par an. D’où la rude compétition. Le roi quant à lui, à un mois pour se reproduire. Si aucune biche ne se décide, il pousse alors un cri de tristesse « le brame de langueur ».

Le tournoi des prétendants

Après plusieurs mises en garde retentissantes, le prince rival décide de défier le roi en place. Le duel est inévitable. Ils pouffent, soufflent, se dressent sur deux pattes, se foncent dessus, s’affrontent et entrechoquent violemment leurs ramures. La joute est spectaculaire ! Durant le combat, chacun chasse l’autre, les cerfs émettent alors des petits sons rauques, c’est « le brame de poursuite ». Il arrive que les combattants s’infligent des blessures graves avec leurs bois, que leurs ramures se coincent, qu’ils meurent d’épuisement…

Mais l’enjeu du combat n’est pas la mort, il faut surtout repousser l’autre ! Le perdant humilié s’en ira. Le vainqueur repoussera celui-ci jusqu’aux limites du territoire, puis reviendra auprès de ces belles en poussant un grand cri de victoire « Le brame du triomphe ».

Pendant que ces messieurs combattent et se donnent en spectacle, tous bois dehors dans l’arène, un autre jeu a lieu en coulisse. Celui des jeunes princes qui s’approcheront discrètement pour vérifier si les biches sont en chaleur. C’est donc celui qui est là au bon moment qui pourra s’accoupler et non le plus majestueux.

Un rendez-vous à ne pas manquer

Le brame du cerf et par conséquent le rut, la saison des amours et de la reproduction a lieu une fois par an, de la mi-septembre à la mi-octobre. (Les périodes de canicules peuvent avancer les dates.) Suite à cette période troublée et mouvementée, les cerfs reprennent des forces en mangeant comme quatre et les biches se retirent dans les bois pour mettre bas entre la mi-mai et mi-juin.

Le meilleur moment pour entendre ou observer le brame est du crépuscule jusqu’à la nuit tombée. Dès 18h le soir ou 6h30 le matin. Les nuits froides et de pleines lunes sont idéales pour la propagation du son et la clarté ambiante.

S’inviter à la fête, écouter, observer, disparaître… 

Pour profiter au mieux des jeux dans le respect de l’animal et pour éviter de perturber les reproductions, voici quelques conseils. En effet, que vous soyez un naturaliste aguerrit ou un groupe guidé par des initiés lors des soirées de brame, vous êtes tenus de respecter certaines règles : 

1.	Soyez le plus discret possible : ne faites pas de bruits, coupez vos téléphones, chuchotez si nécessaire. N’utilisez pas de lampe torche, de flash, portez des habits sombres, évitez les habits et les chaussures qui tapent, frottent ou font du bruit, les parfums et la cigarette. N’apportez pas de nourriture. Laissez vos chiens à la maison.

2.	Respecter les territoires : n’entrez pas dans une forêt privée, restez sur les chemins communaux. N’approchez pas les hardes à moins de 100 mètres. À cette période, les déplacements de princes se font régulièrement. Laissez-vous approcher de manière immobile. 

3.	Soyez patient : il n’y a aucune certitude quant à la vue du spectacle, entendre les brames est déjà une expérience palpitante. Prévoyez des jumelles, des habits chauds et de bonnes chaussures de marche.

*Rédaction Pam Pam, corrigé par nos écopédagogues ; Arthur Timmermans et Olivier Dugaillez