Exercice d’éthologie n°5

cinquieme quiz d'ethologie

Sébastien Lezaca se joint à Michaël pour vous proposer un cinquième exercice d’éthologie. La mammalogie fait son grand retour (voir le premier quiz) !

par Michaël Leyman et Sébastien Lezaca-Rojas, écopédagogues au Centre Marie-Victorin (CNB)

La séquence présente ci-dessous date du 18 juin 2018 et a été prise au petit matin par mon collègue Sébastien Lezaca dans la vallée de l’Hermeton.

Observez bien cette vidéo !

Vous avez visionné la vidéo ? Place au quiz !

Conclusions

Commençons par un récapitulatif des noms donnés à l’espèce cerf élaphe. Les noms les plus couramment utilisés sont en gras :

Pour comparaison, voici ce que cela donne chez le chevreuil :

Notez qu’il existe beaucoup de dialectes régionaux et aucune nomenclature officielle. Pour les curieux de vocabulaire, l’article suivant développe la question : https://books.openedition.org/pusl/9330?lang=fr

Contrairement aux autres fois, je n’ai, évidemment, pas été voir ce qu’en disait Paul Géroudet ;-). J’aurais pu, par contre, aller voir ce qu’en disait Robert Hainard, dans son livre Mammifères sauvages d’Europe (1997). Mais je ne l’ai malheureusement pas dans ma bibliothèque… 

Bref, je suis directement passé par internet pour aller consulter les éventuelles études qui pourraient nous intéresser. Pour cela, il faut d’abord se rendre compte que le cerf est une espèce à la répartition assez large et que son comportement peut fortement varier d’une population à une autre et d’une époque à une autre. L’espèce possède une bonne plasticité comportementale. Cela veut dire qu’il vaut mieux éviter de prendre « pour argent comptant » ce que l’on peut lire, même si cela donne de précieux renseignements. 

Et puis, le cerf est une espèce autour de laquelle gravite pas mal d’enjeux financiers. Il existe donc de nombreuses études dont le but est de, par exemple, connaitre la dynamique des populations et les classes d’âge dans une population, les déplacements d’un massif à un autre en fonction de l’âge et du sexe, la quantité de dégâts d’écorçage réalisés sur les conifères… Le tout avec comme objectif, non pas de mieux connaitre l’espèce cerf, mais plutôt d’aider à la gestion cynégétique, sylvicole et/ou agricole.

Comme un petit test vaut mieux qu’un long discours, j’ai effectué cinq recherches Google contenant le mot cerf et un autre associé. Voici le nombre de résultats (en nombre de pages internet) de celles-ci :

RechercheNombre de réponses sur Google (en milliers)
Cerf éthologie159
cerf comportement 771
Cerf écologie3 220
cerf gestion6 750
Cerf chasse6 930

On comprend directement que le cerf est vu, avant tout, comme une espèce qui doit être gérée et donc chassée, nourrie, comptabilisée… Les résultats en anglais sont encore plus criants :

RechercheNombre de réponses sur Google (en milliers)
Red deer ethology 355
Red deer ecology10 300
Red deer behaviour 33 100
Red deer management 89 700
Red deer hunting 106 000

J’en profite pour vous mettre un lien vers un document extrêmement intéressant et réalisé par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il présente l’impact des cervidés/sangliers sur la biodiversité, ainsi que l’historique de la chasse en Wallonie et les problématiques actuelles qui y sont liées. Il vous permettra de vous faire une meilleure idée sur cette problématique :

https://www.iew-test.be/wp-content/uploads/2016/06/dossierchasse.pdf

Toutefois, on peut quand même trouver de la littérature intéressante. Par exemple, on peut deviner que « notre » harde devrait encore être présente durant les prochaines années dans les environs de la praire où la séquence a été tournée. En effet, Licoppe & al. (2003 ; 2012) qui ont suivi de nombreux cerfs dans l’Hertogenwald et sur Saint-Hubert, démontrent que les hardes de femelles sont assez sédentaires et ne s’éloignent que très peu de la remise (zone de quiétude où le groupe se repose en journée ; typiquement une jeune plantation d’épicéas). Même les bichettes, une fois adultes, restent fidèles à leur zone de naissance. Cela n’est pas le cas des mâles qui atteignent 2 ans. Au moment du brame, la moitié quitte, ou plutôt est chassé, de la harde maternelle. S’ensuit une errance plus ou moins longue (quelques mois à plusieurs années) qui se terminera par l’appropriation d’un domaine libre. Ce domaine est souvent situé à 2, 3 … 20 kilomètres du lieu de naissance et en périphérie du massif où se trouvent des hardes matriarcales. Au moment du rut, les cerfs réaliseront des migrations, pouvant être de 5-15 km, pour rejoindre leur place de brame. Ces places correspondent à des domaines déjà occupés par une harde de femelles. Ce n’est donc pas les femelles qui sont attirées par le brame, mais le mâle qui suit et essaye de défendre « sa » harde des autres prétendants. 

C’est vers la fin de cette période que la majorité des biches sera fécondée. Il s’en suivra une gestation de 8 mois. À la fin de celle-ci, les femelles s’isoleront dans une zone calme de leur territoire pour mettre bas vers le mois de juin. Le faon restera tapi au même endroit pendant de longues heures pendant que la femelle rejoindra la harde pour aller se nourrir. Arrivé au début de la période de brame, le faon rejoindra la harde tout en restant tout près de sa mère. Elle est dite suitée. Il faudra encore quelques mois pour qu’il soit sevré. Nous n’aurions donc pas pu voir de faon dans la harde de la vidéo qui datait du mois de juin.

Je terminerai en vous signalant que cette vidéo, avec des explications, est disponible sur la page YouTube de Sébastien, sous le nom « Une clôture infranchissable ». N’hésitez pas à vous abonner à sa chaîne !

https://www.youtube.com/channel/UCbuOuQFmMs20kUf2MVDosiA/videos

Bonnes futures observations !

Bibliographie :

  • Licoppe A. & Lievens J. ( 2003). Télémétrie et utilisation de l’habitat chez le cerf. Forêt wallonne, 36:12-18
  • Licoppe A. & Herman R. (2012). Observation et suivi d’une population de cerfs en Hertogenwald. Hautes Fagnes, 1:18-26