Quelle magnifique opportunité !

Face à la situation actuelle, Michaël nous partage cette réflexion personnelle. La crise pourrait-elle représenter une opportunité ?

par Michaël Leyman, écopédagogue au Centre Marie-Victorin (CNB)

Très tôt ce matin, je suis sorti me promener. Tout en marchant,  une idée m’est venue spontanément. Celle que « au moins, il y a du positif à cette situation. La nature en profite ». Et apparemment, je ne suis pas le seul à l’avoir eue. On peut lire un peu partout sur internet que la nature « respire » grâce au confinement. Mais, assez vite, je me suis demandé si cela était vraiment le cas. Au-dessus de moi, un lampadaire venait de s’éteindre. Sur la problématique de la pollution lumineuse nocturne, aux conséquences extrêmement graves, rien n’a changé. Alors que j’arrivais à la sortie du village, des travaux de terrassements venaient de commencer. Sur ce point-là, il n’y a pas eu de changement non plus. Nous bétonnons toujours autant notre environnement. Un peu plus loin, un agriculteur était occupé à travailler son champ « à coups d’engrais ». Les pollutions dues aux pesticides n’ont pas stoppées non plus. Mais d’où me vient alors cette idée ? Dans la diminution de la pollution de l’air ? Certes, il y a un plus, mais il risque de n’être que très provisoire. La Chine, cette usine qui fabrique une grande partie des objets que nous accumulons chez nous,  est déjà en train de redémarrer. Quant à la machinerie climatique, elle met tellement de temps avant de se réajuster, que le répit que nous lui donnons actuellement risque de passer inaperçu.

Mais alors, d’où nous vient ce sentiment d’amélioration ? C’est là que j’ai compris. Il s’agissait justement d’un sentiment. Et comme tout sentiment, il vient de nous-même, nous les Humains Homo sapiens est donc, paradoxalement, probablement l’espèce qui profite le plus de ce confinement.  Le quartier que j’étais en train de traverser était tout simplement paisible. Le village était redevenu un lieu où les habitants se croisent à pied ou à vélo et prennent le temps de s’arrêter et de parler. Et même si les distances de plusieurs mètres sont tenues, confinement oblige, je me suis rendu compte que je n’avais presque jamais autant croisé mes voisins et été aussi attentif à leurs éventuels besoins. De plus, l’absence d’une circulation automobile et aérienne effrénée était en train de me replonger dans mon enfance. Cette madeleine de Proust faisait remonter en moi des souvenirs d’il y a à peine une vingtaine d’années où l’ensemble des journées de l’année ressemblaient un peu à cela. À ce que nous appelons confinement. Des journées où l’on prend le temps de communiquer en famille, de penser, d’écouter le silence, de se passer d’une ribambelle d’achats inutiles, où les enfants travaillent leur imaginaire en jouant avec des brics et des brocs, et où les longs déplacements sont des exceptions.

Ce retour en arrière, retrouvé brutalement,  peut rendre certaines personnes anxieuses. Pourtant, nous ne faisons que davantage nous entendre vivre. Mieux encore, il s’agit d’une opportunité unique et inespérée pour se retrouver et vraiment prendre le temps d’écouter les autres et la nature. Un déconfinement intérieur en quelque sorte.

Mais, que se passera-t-il lorsque le déconfinement physique aura lieu ? Personnellement, j’espère que nous ne retournerons pas « à la normale ». Cette normale faite de trajets les plus rapides possibles pour aller vite travailler, et puis vite au magasin, et puis vite à son hobby, et ensuite vite à sa maison, vite manger, vite regarder une série, vite parler, vite, vite, vite et finalement vite recommencer le lendemain.

Malheureusement, on entend déjà dans les médias beaucoup de personnes parler de « rattraper le retard ». Mais le retard sur quoi ? Sur les achats impulsifs et totalement inutiles provoqués par les matraquages publicitaires, via une orgie de vêtements ? De jouets pour nos enfants ? De voyages « nature » à travers le monde ? D’aliments hors saison?

Personnellement, j’espère qu’il n’y aura pas ce « retour », cette marche en arrière, mais plutôt une opportunité unique et même inespérée pour enfin commencer à vraiment repenser nos sociétés. Cette opportunité est historique. Elle est là, juste devant nous. Il n’y en aura peut-être pas d’autre. Il faut donc que nous la saisissions tous ensemble. L’être humain est en train de réaliser actuellement quelque chose que je n’aurais jamais cru possible : un ralentissement drastique et volontaire de l’industrie; et cela, dans le seul but de sauver « quelques » milliers de personnes qui nous sont inconnues. Si des centaines de millions de citoyens provenant des pays les plus pollueurs sont en train de réussir cet exploit, je suis convaincu que nous pouvons également prendre à bras le corps les défis climatiques, sociaux et environnementaux. Repensons nos sociétés maintenant.

Quelle magnifique opportunité !

Je terminerai juste en reprenant une phrase qui vous est familière et en l’écrivant avec le plus possible de bienveillance que ce qu’un clavier d’ordinateur le permet : prenez soin de vous, prenez soin des autres… et prenez soin de notre planète.

Michaël