Ouvrons l’œil et le bon ! – Note n°3 : la ficaire

Troisième note dans la série « Ouvrons l’œil et le bon ! » Bernard Clesse nous dit tout sur la ficaire (n’hésitez pas à relire ici le dernier numéro de L’Érable dans lequel la ficaire était déjà au sommaire).

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par Bernard CLESSE, assistant de direction et Écopédagogue au Centre Marie-Victorin des CNB.

Préférant les bords de ruisseaux, les talus et chemins creux, les lisières forestières et prairies fraîches, les haies apportant l’ombrage et la fraîcheur nécessaires, la ficaire (Ranunculus ficaria) est une plante à floraison printanière (vernale) comme la jonquille. Il est intéressant de signaler son caractère envahissant dans certaines stations qui peuvent complètement couvrir le sol, empêchant toute concurrence (effet allélopathique et donc inhibant envers les autres plantes).

Dans notre jardin, elle est bien répandue dans différents endroits de la partie « sauvage » (qui est, faut-il le rappeler, exposée au nord-nord-ouest) ainsi que dans la haie de charmes. Au pied du haut mur, sous les arbres et arbustes mais aussi dans les zones herbeuses relativement ombragées, elle y trouve des conditions écologiques de fraîcheur particulièrement favorables.

En Belgique, elle est largement distribuée dans les différents districts phytogéographiques. On en distingue deux sous-espèces, selon qu’elle présente ou non des bulbilles (petites boutures semblables à de minuscules tubercules de pommes de terre) à l’aisselle des feuilles et selon que les fruits (akènes) soient viables ou non.

Alors que la règle veut que les renoncules (vraies) soient dotées de 5 sépales et 5 pétales, notre ficaire arbore 3 sépales et 6 à 12 pétales (1-2) (pas toujours tous égaux d’ailleurs entre eux en longueur et largeur). Donc pour une Dicotylédone, « peut mieux faire » et bonjour les complications pour les débutants en botanique… La nouvelle classification l’a récemment renommée Ficaria verna, c’est vrai qu’elle dénotait pas mal par rapport à ses comparses à fleurs jaunes du genre renoncule…

Ses feuilles luisantes, cordées et longuement pétiolées sont vaguement bordées de dents espacées et émoussées (3).

Chez la sous-espèce Ficaria verna subsp. verna (qui semble bien être celle présente dans notre jardin), les bulbilles (4) sont logés dans l’angle formé par la tige et la base du pétiole qui est par ailleurs typiquement dilatée et formant des oreillettes semi-embrassantes (5). Ces bulbilles vont grossir (6) durant le printemps et se détacher de la plante au cours de l’été (7), pouvant parfois abonder sur le sol des sous-bois frais, ce qui a généré des expressions comme celle de « pluie de pomme de terre », chez les anciens. Si tout va bien, ces petits clones vont s’enraciner durant la mauvaise saison et développer une nouvelle plante l’année suivante.

Les racines fasciculées (8) réunissent de petites racines « normales » et d’autres, de longueur variable et sans poils absorbants mais gonflées de matière nutritive (racines tubérisées), comestibles cuits et riches en amidon (comme pour les tubercules de pomme de terre !), ce que met bien en évidence le contact avec un réactif iodé (comme le lugol ou le réactif de Melzer) (9-11)

Trois sépales jaunâtres, libres entre eux, et 6 à 12 pétales jaunes et brillants, rayonnants (symétrie radiaire de la corolle), libres entre eux également, constituent donc les deux enveloppes florales de la fleur. À la base de chaque pétale, une petite glande peu visible, car jaune également, produit le nectar tant apprécié des butineurs.

Les étamines très nombreuses, à filets et anthères jaunes, sont libres entre elles et fixées tout comme le pistil, sur le réceptacle. Les grains de pollen n’ont rien d’extraordinaire : globuleux à subtriangulaires, de diamètre 30-42,5 µm (12-13).

Le pistil est formé typiquement de carpelles libres (14) (caractère commun à quasiment toutes les renonculacées). Les nombreux carpelles sont chacun constitué d’un ovaire supère, d’un très court style et d’un stigmate. Chacun de ces carpelles évoluera en un akène* (15) (fruit sec indéhiscent, et donc ne s’ouvrant pas à maturité, à une seule graine) chez la sous-espèce fertile (Ficaria verna subsp. fertilis) mais chez l’autre sous-espèce, visiblement nettement mieux représentée en Belgique, les akènes seront avortés.

*c’est l’occasion de rappeler qu’une seule fleur peut engendrer de nombreux fruits !

Dans notre jardin, comme un peu partout dans la nature, les feuilles de ficaire à cette période-ci de l’année sont très souvent attaquées par un champignon basidiomycète, une rouille en l’occurrence, du joli nom d’Uromyces ficariae (16-18). Les rouilles sont systématiquement parasites et il arrive fréquemment qu’elles aient besoin de plusieurs espèces végétales différentes pour achever leur cycle de développement complet, dans ce cas on parlera de rouille hétéroxène (telle celle que l’on a sur notre poirier et qui doit également passer par le genévrier). Notre Uromyces ficariae est quant à elle une rouille autoxène et donc se contente de la ficaire pour réaliser tout son cycle. Ici, les petites taches brunes disposées en rond sont appelées sores. Ces organes fabriquent un type de spores particulier : les téleutospores. Elles constituent le 3e stade de spores possibles, seront à l’origine des fameuses basides par la suite et sont unicellulaires (19-20) dans le cas qui nous occupe.

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À bientôt pour une prochaine (re-)découverte…
Bernard