Cohabitation des communes avec le monde sauvage

Depuis 96 ans, la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux milite pour améliorer le cadre légal protégeant la faune sauvage et son habitat. Etant à la fois active sur le terrain et à l’écoute de l’inquiétude des citoyens, la Ligue déplore la situation dramatique dans laquelle se trouve la faune de nos régions.

Le bien-être de notre société et des animaux sauvages dépend de notre capacité à faire cohabiter nos deux mondes. 

Ce défi constitue à présent un impératif. L’avis et les conseils des associations environnementales et des organismes de recherches doivent, dès à présent, être pris en considération et faire l’objet d’actions concrètes initiées par le niveau de gestion le plus proche du citoyen : les communes.

Forte de son expérience, la Ligue énonce aujourd’hui 6 objectifs environnementaux qui devraient entrer dans le programme d’actions des futurs candidats aux élections communales d’octobre 2018.

1 Reloger la biodiversité

De nombreux animaux sauvages, cohabitant avec l’Homme, peuplent nos villes et villages. Cependant, l’évolution de la structure et de l’aménagement de nos lieux de vie a mené à la disparition de nombreux habitats. Aujourd’hui, les espèces font face à une crise du logement sans précédent (e.g. chauve-souris, chouette effraie, hirondelle, martinet, moineau).

Pour pallier cette problématique et maintenir la biodiversité dans nos villes et villages, l’installation de nichoirs au niveau des bâtiments et des espaces publics doit faire partie de la politique d’aménagement communal (e.g. hirondelles, martinets, moineaux).

De même, l’accès aux combles et clochers d’églises et autres grands bâtiments privés et publics doit être facilité pour permettre l’installation d’animaux tels que les chauves-souris, la chouette effraie, etc.

Revégétaliser le tissu urbain et ses alentours est également une nécessité pour préserver les zones refuges et le maillage écologique. Cet objectif peut être accompli par la plantation de haies le long des routes et des champs, l’installation de vergers hautes tiges, l’aménagement de zones refuges, le semis de bandes fleuries, etc. L’entretien des saules têtards constitue également une action pertinente puisqu’elle permet le maintien des anfractuosités prisées par la chouette chevêche.

2 Respecter la période de nidification

A chaque printemps, les centres de revalidation pour la faune sauvage accueillent un nombre alarmant de jeunes oiseaux, expropriés de leurs nids à la suite de travaux d’élagage, d’abattage ou même de taille de haie. La réalisation de ces travaux d’entretien, lors de la période de nidification, nuit gravement aux couvées en détruisant leur support ou en délogeant les parents, effrayés par le bruit.

Actuellement, l’élagage et l’abattage d’arbres avec des engins motorisés sont interdits du 1er avril au 15 août en région bruxelloise [1].

En Wallonie, l’instauration d’un tel règlement est laissée au bon vouloir des communes, alors que la perturbation et la

destruction intentionnelle d’oiseaux sauvages, de leurs nids ou de leurs œufs durant la période de reproduction restent bel et bien proscrites par la loi [2].Ainsi, la mise en place d’un règlement communal interdisant les travaux d’entretien dans les jardins (i.e. élagage, abattage et taille), les espaces publics et les dépendances vertes en période de nidification représente une urgence absolue. Ce règlement doit s’appliquer tant aux services communaux qu’aux particuliers et entreprises. Dans l’idéal, la protection des oiseaux, sur l’ensemble du territoire, nécessite une ratification collective harmonisant la situation à l’échelle des 262 communes Wallonnes.

3 Gérer de manière cohérente et éthique les populations d’animaux sauvages

Le nourrissage, volontaire et involontaire, d’animaux sauvages favorise la surpopulation de certaines espèces (e.g. pigeons, renards, rats, sangliers). Ce déséquilibre engendre des nuisances pour l’Homme et son environnement et incite les communes à réguler les populations par des programmes choquants de capture/euthanasie et de chasse. En plus d’être incohérents et inefficaces sur le long terme, ces plans d’actions représentent une atteinte criante au respect de la vie animale.

Face à cette situation intolérable, il devient urgent, pour les

communes, de mettre en place une politique d’interdiction et une stratégie de communication pour enrayer ce nourrissage, dans les espaces et lieux publics, y compris les parcs et bois communaux. Certaines exceptions peuvent cependant exister, notamment pour les oiseaux aux mangeoires en hiver, avec de la nourriture adéquate.

Afin d’être menée à bien, cette mission doit être confiée à un échevin ayant comme responsabilité principale de veiller au respect du bien-être des animaux. Par ailleurs, cette fonction est déjà instaurée dans plus de 170 communes.

4 Interdire l’exploitation d’espèces sauvages lors de festivités et autres événements

Ces derniers mois, Anvers, Gand, Ostende et Saint-Nicolas ainsi que quelques communes wallonnes ont emboité le pas à plusieurs pays en interdisant les spectacles mettant en scène des rapaces. Chaque commune wallonne doit suivre ce mouvement en interdisant de manière unanime les démonstrations itinérantes d’oiseaux de proie et autres animaux sauvages.

Une telle prise de position permettra de mettre fin à des pratiques cruelles (e.g. transports fréquents et longs, attache des animaux, exhibitions de rapaces nocturnes en pleine journée, privation de nourriture pour le bon déroulement du

spectacle, etc.). L’exploitation de rapaces ou autres animaux, lors de marchés médiévaux, de journées portes ouvertes ou encore lors de cérémonies de mariage s’oppose aux besoins et instincts de ces animaux.

Par ailleurs, l’objectif prétendument éducatif de ces activités est aujourd’hui incohérent et obsolète. En guise d’alternative, nous suggérons aux communes de mettre en place des excursions naturalistes ou des projets tels que « Faucons pour tous » afin d’inviter les citoyens à s’ouvrir au monde sauvage de manière plus respectueuse.

5 Limiter la pollution lumineuse

La croissance considérable de l’éclairage artificiel, au sein et aux abords de nos villes, engendre une pollution lumineuse sans précédent. Cette présence anormale ou gênante de lumière artificielle, dans l’environnement nocturne, a des conséquences néfastes sur les écosystèmes et les espèces qui en dépendent. Par exemple, les oiseaux migrateurs ainsi que les insectes, attirés par cette lumière, sont désorientés de leur course et déviés vers une destination qui leur est fatale. Cette pollution effraie également les petits mammifères nocturnes au point de limiter leur déplacement et leurs activités de recherche de nourriture. Encore plus inquiétant, ce phénomène affecte les populations de pollinisateurs nocturnes (e.g. papillons de nuit, chauves-souris) [3,4].La LRBPO demande aux communes de mettre en œuvre un

plan de réduction de l’éclairage public, au bénéfice tant des citoyens que des animaux. En priorité, les zones naturelles, ou celles ne nécessitant pas d’éclairage, doivent être prémunies au maximum de tout rayonnement lumineux artificiel. Ces espaces constituent des zones refuges essentielles et vitales pour les animaux nocturnes.Limiter l’intensité des éclairages, ou en maîtriser l’orientation et l’étalement du faisceau, permettrait également de réduire l’éclairage du ciel et de la surface au sol. Il est aussi possible d’éteindre automatiquement l’éclairage des édifices publics, des immeubles de bureaux, des voiries communales, régionales, autoroutes à partir d’une certaine heure. Il s’agit de solutions évidentes et efficaces conservant le confort ou le sentiment de sécurité lié à l’éclairage public [5].

6 Inviter la communauté à participer à la politique environnementale locale

L’intégration des habitants, petits et grands, et des collectivités, dans des projets environnementaux locaux, est une mesure clef pour les sensibiliser durablement à la nature tout en travaillant main dans la main à sa protection. L’élaboration d’un plan communal de développement de la nature (PCDN) invite à cette coopération essentielle !

Ainsi, les communes doivent réunir les acteurs locaux (e.g. citoyens, institutions, secteurs touristiques, naturalistes, agriculteurs, forestiers, écoles, etc.) et initier des collaborations afin de mettre en place des projets éducatifs et participatifs sensibilisant à la nature.

De nombreux projets peuvent y parvenir : baladesnaturalistes et thématiques, gestion participative de ressources locales collectives (e.g. réserves naturelles, créations de mares, potagers collectifs, ruchers collectifs, vergers collectifs, etc.), recensement participatif de la biodiversité (e.g. « devinez qui vient manger au jardin », SOC-WALL, etc.), etc. La Ligue et d’autres associations naturalistes peuvent vous aider à mettre au point ces projets.En plus de bénéficier de la motivation de chacun des collaborateurs du PCDN, les communes pourront également s’aider de subventions accordées par le Service Public de Wallonie. 92 Communes wallonnes ont déjà sauté le pas.

Références

[1] L’article 68, alinéa 7 de l’Ordonnance du 1er Mars 2012 relative à l’environnement indique : « Il est interdit de procéder à des travaux d’élagage d’arbres avec des outils motorisés et d’abattage d’arbres entre le 1er avril et le 15 août ; »

[2] L’article 2, alinéa 2 et 3 du paragraphe 2 de la loi sur la conservation de la nature du 12 juillet 1973 indique : « 2° il est interdit de perturber intentionnellement les oiseaux, notamment durant la période de reproduction et de dépendance, », « 3° il est interdit de détruire, d’endommager ou de perturber intentionnellement, d’enlever ou de ramasser leurs œufs ou nids, de tirer dans les nids, »

[3] Rich, C. & Longcore, T., eds (2006) Ecological Consequences of Artificial Night Lighting, Island Press.

[4] Hölker, F., Wolter, C., Perkin, E. K., & Tockner, K. (2010). Light pollution as a biodiversity threat. Trends in Ecology and Evolution, 25 (12), 681–682.

[5] Gaston, K. J., Davies, T. W., Bennie, J., & Hopkins, J. (2012). Reducing the ecological consequences of night-time light pollution : Options and developments . Journal of Applied Ecology , 49 ( 6 ) , 1256–1266.

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