L’Erable d’avril 2023 était consacré à la randonnée naturaliste. Qui de mieux pour introduire ce numéro que l’asbl Tous à Pied, la voix des piétons en Wallonie et à Bruxelles ? Voici un rappel des bons usages du sentier …
par Maxime LEMOINE1,
Chargé de mission pédagogie et environnement chez Tous à Pied.
Puis-je passer ou pas ?
En tant que naturalistes désireux d’observer les espèces, vous devez sans nul doute être de grands usagers des chemins et sentiers. Et comme tout un chacun qui se promène dans nos contrées wallonnes, vous vous êtes sans doute déjà retrouvé dans une situation où aucune clef dichotomique ne pouvait vous donner la réponse à la fameuse question « puis-je passer ou pas ? »
La règle de base
Comment déterminer si une voirie est ouverte à la circulation du public ? La voirie publique est une notion de pur fait. Si rien n’empêche le passage sur le terrain, alors la voirie est considérée comme ouverte à la circulation du public. Autrement dit, la circulation du public sur voie privée est possible si “l’inaccessibilité n’est pas matérialisée sur le terrain par une barrière ou un panneau”. De plus, la circulation est aussi possible sur les terrains non bâtis, non cultivés et non clôturés (et donc en dehors des voiries) si aucun dommage ou nuisance ne sont occasionnés.
Par ailleurs, en ce qui concerne la cueillette, sur l’ensemble du territoire wallon, et sauf dérogation, la cueillette d’espèces intégralement protégées2 est interdite (sont aussi interdits, le ramassage, la coupe, le déracinement, la destruction intentionnelle, le transport, la détention, l’échange, la vente, l’achat, la cession).
Par contre la cueillette d’espèces partiellement protégées est autorisée (sont aussi autorisés, le ramassage, la coupe, la détention, le transport et l’échange) aux conditions suivantes :
- seules des parties aériennes sont prélevées ;
- les prélèvements sont réalisés en petite quantité ;
- la vente, la mise en vente et l’achat sont interdits ;
- la destruction intentionnelle est interdite.
Enfin, en réserve naturelle3, sauf dérogation, aucune cueillette n’est autorisée (il est également interdit de déplanter, d’endommager ou de détruire toute espèce végétale).
LE CAS PARTICULIER DES FORÊTS
En Wallonie, les déplacements en forêt4 sont régis par le Code forestier, dont les objectifs sont : « la protection de la forêt comme milieu naturel et la cohabitation la plus harmonieuse possible entre les différents usagers de la forêt ». Il y est d’ailleurs spécifié que « Sans motif légitime, il est interdit d’accomplir tout acte de nature à, de manière significative, perturber la quiétude qui règne dans les bois et forêts, déranger le comportement des animaux sauvages ou nuire aux interactions entre les êtres vivants, animaux et végétaux et leur environnement naturel. »
Pour les piétons qu’ils soient naturalistes ou pas, la deuxième règle de base pour la circulation en forêt est la suivante : on reste sur les routes, chemins et sentiers ou les aires balisées (définies par le Code forestier), c’est-à-dire sur les voiries communales, régionales ou toutes les voies accessibles au public qui traversent la forêt mais et c’est ici que tout se joue : sans s’en écarter !5 Oui mais… En tant que naturaliste passionné, il est fort probable que vous soyez en quête du point de vue optimal de votre sujet d’étude ou encore d’une cueillette en bonne et due forme de champignons, fleurs ou fruits. Dès lors, attardons-nous sur les déplacements hors-voirie.
Règle numéro trois, un promeneur peut se retrouver en dehors des chemins et sentiers pour certaines activités comme la récolte de champignons, de fleurs et de fruits. Mais il est nécessaire d’avoir l’accord préalable du propriétaire de la forêt. C’est en effet le propriétaire qui détermine les possibilités d’accès et son accord est donc indispensable6.
Tout prélèvement devra en outre être réalisé entre le lever et le coucher du soleil et la quantité maximum autorisée sera de deux poignées par personne et par jour pour les fleurs et correspondra au contenu d’un seau d’un volume de dix litres par personne et par jour pour les autres produits de la forêt, excepté si le prélèvement est effectué pour les besoins d’une association scientifique, caritative ou de jeunesse7.
Pour les forêts domaniales, qui sont propriétés de la Région wallonne, et pour les champignons uniquement, il n’est pas nécessaire de faire une demande. La récolte y est d’office autorisée aux conditions suivantes :
- entre le lever et le coucher du soleil ;
- ne pas récolter plus d’un seau de 10 litres par personne ;
- en période de chasse, l’autorisation est suspendue.
Attention, en cas d’infraction le SPW peut vous verbaliser avec des amendes comprises entre 50 et 150 euros.
Pour les forêts appartenant à d’autres propriétaires, aussi bien publics (par exemple : les communes) que privés, l’autorisation du propriétaire est requise.
ET QUID DU FAMEUX MOTIF LÉGITIME ALORS ?
En ce qui concerne les piétons, le Code prévoit certaines dérogations à l’interdiction de quitter les chemins et sentiers :
- soit en cas de force majeure (contourne ment limité d’un obstacle, recherche d’enfant perdu) ;
- soit quand le piéton se trouve sur une aire balisée à cet effet, ou qu’il assure une activité de gestion ;
- soit qu’il est ayant droit (personne ayant reçu un droit ou une autorisation du propriétaire).
Parfois, un balisage temporaire peut vous autoriser dans une période définie, à circuler sur une autre voie que celles qui vous sont habituellement destinées.
CE QU’EN PENSE TOUS À PIED ?
Notre Asbl se positionne pour une forêt publique et privée accessible à toutes et tous pour une randonnée paisible, en contact et en respect avec la nature et avec les autres usagers. Il est nécessaire qu’enfin la fonction socio-récréative (et donc l’accueil du public) prenne sa place en tant que pilier sur pied d’égalité avec les trois autres, à savoir la fonction de production de bois, la fonction de préservation de la biodiversité et la fonction de protection contre les risques naturels. Le rapport et donc l’accès à la nature est nécessaire à tous. Il s’agit d’une question de santé publique, qu’elle soit physique ou mentale. Être en contact avec la nature a un effet bénéfique sur la santé. Pratiquer la marche à pied aussi. La combinaison des deux doit donc être fortement encouragée et facilitée, notamment au sein des forêts. Car si la nature est présente sous différentes formes, habitats… la forêt est sans conteste, source de contacts privilégiés avec la biodiversité et son étude.
Pour “Tous à Pied”, la délimitation des espaces où la sortie des chemins autorisée en forêt doit être revue et élargie par rapport à la liste reprenant les motifs légitimes. Et ce pour favoriser le contact et l’observation de la nature. Il est en effet nécessaire de trouver un équilibre entre le besoin d’infrastructures et d’organisation et le besoin d’accès à la nature « sauvage » et à la liberté de circuler.
Ceci dit, cela ne va pas sans rappeler que les promeneurs naturalistes ou non ont eux aussi des obligations. Bon promeneur naturaliste vous serez si vous :
- ne laissez pas traîner vos déchets ;
- respectez les autres usagers et êtes courtois ;
- privilégiez la proximité, le co-voiturage et les transports en commun ;
- gardez votre chien en laisse ;
- êtes attentifs si vous utilisez un sentier qui traverse une prairie ;
- respectez la signalisation en vigueur ;
- laissez les fleurs où elles sont ;
- êtes discret.
Que la marche soit avec vous !
Références
- tousapied.be
- biodiversite.wallonie.be/fr/plantes-protegees-et-menacees.html?IDC=3076
- biodiversite.wallonie.be/fr/reserves-naturelles-co.html?IDC=825
- C’est-à-dire, les zones forestières du plan de secteur
- En vertu de l’article 20 du Code forestier
- En vertu de l’article 50 du décret du 15/07/2008 relatif au Code forestier.
- En vertu de l’article 25 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27/05/2009 relatif à l’entrée en vigueur et à l’exécution du décret du 15 juillet 2008 relatif au Code forestier.
