Description
Carnet du naturaliste – Les plantes exotiques et envahissantes
par Sébastien Carbonnelle et Julien-Emmanuel Goffinet, Cercles des Naturalistes de Belgique asbl
36 pages en couleurs, 56 espèces décrites
Les espèces exotiques envahissantes, souvent appelées espèces invasives (par anglicisme), sont des espèces non-indigènes qui, aujourd’hui présentes à grande échelle dans nos écosystèmes, du fait de leur introduction volontaire ou involontaire, ont des conséquences environnementales, et parfois également sociétales. À l’échelle mondiale, on considère que l’expansion des espèces invasives (végétales et animales) est une des causes principales d’érosion de la biodiversité. Identifier et mieux connaître ces plantes est donc essentiel afin de préserver celle-ci.
Les plantes ont toujours voyagé avec les hommes, et on estime d’ailleurs que les flores locales actuelles sont composées d’environ 10 à 20 % de plantes d’origine extérieure. Beaucoup de plantes ainsi transportées ne réussissent pas à s’installer durablement. Mais parfois, une petite population spontanée y parvient quand même, on dit alors de l’espèce qu’elle est naturalisée. De ces espèces naturalisées, seule une petite proportion trouvera finalement un espace écologique libre où s’exprimer et deviendra envahissante (on parle en général d’environ 1 espèce envahissante pour 1 000 espèces introduites). En Belgique, on recense déjà une petite soixantaine d’espèces invasives, pour environ 2 000 néophytes (plantes non-indigènes trouvées au moins une fois à l’état spontané).
Souvent introduites volontairement dans les jardins pour des raisons esthétiques, ou à des fins de production (bois, industrie grainetière…), elles sont aujourd’hui assez nombreuses à s’inviter spontanément un peu partout dans notre environnement. À la faveur de l’accélération du transport mondialisé de biens et de personnes, de nombreuses espèces ont aussi été involontairement déplacées : des graines dans des échantillons de terre, ou agrippées à de la laine ou aux semelles, des morceaux ou des plants entiers véhiculés par les bateaux ou les trains ont été hasardeusement disséminés à travers le monde… Des espèces indigènes chez nous peuvent aussi être invasives ailleurs (salicaire en Amérique du Nord, ajonc d’Europe en Nouvelle-Zélande, etc.) !
Dans un écosystème en bon état de fonctionnement (avec une communauté d’organismes complète et structurée), les plantes non-indigènes ont souvent des difficultés à s’installer car les niches écologiques sont la plupart du temps occupées par d’autres espèces bien adaptées. Au contraire, dans nos écosystèmes soumis à de plus en plus de pressions, sensiblement dégradés, où plus de la moitié des espèces de plantes indigènes ont régressé voire disparu, il est facile pour ces espèces nouvelles de concurrencer les espèces indigènes. C’est une des raisons pour lesquelles les espèces invasives se répandent dans les espaces perturbés ou physiquement remaniés (chantiers, carrières, champs…). Les voies de communication (bords de route et chemins de fer) sont aussi des milieux privilégiés qui, en outre, facilitent la dissémination de ces espèces.
On peut considérer l’établissement de ces communautés comme le résultat de successions écologiques comme les autres, qui ne serait que la réponse actuelle de la nature aux modifications de l’homme sur les écosystèmes, et ceci dans le prolongement de la création des milieux seminaturels que l’homme avait créé jusqu’ici. Il faut d’ailleurs noter la fonction nouvelle qu’occupent
parfois ces plantes dans les écosystèmes : appoint de nectar en saison tardive pour les butineurs, lianes dans les forêts alluviales… Certaines personnes dénoncent l’acharnement contre cette « nouvelle nature », ce besoin de contrôle ultime de ce que l’homme a pourtant lui-même consciemment engendré. Nombreux sont aussi ceux qui pensent qu’il est trop tard pour agir et
que la limitation de ces espèces pour rétablir les écosystèmes et leurs fonctionnements dans leurs états initiaux est illusoire. Mais bien que spontanées, ces nouvelles communautés de plantes présentent des caractères fortement artificialisés, sont bien plus pauvres en espèces, et conséquemment en processus écosystémiques à mesure que disparaissent les espèces indigènes.
La compétitivité des invasives peut être importante en termes, entre autres, d’accès à l’eau, à la lumière, aux insectes pollinisateurs, poussant parfois les espèces indigènes à localement se raréfier et finalement disparaître. Cette disparition entraîne à son tour celle des insectes qui dépendaient de ces espèces, avec des conséquences en chaîne sur les réseaux alimentaires… Il arrive également que des espèces exotiques s’hybrident avec des indigènes, pouvant générer des organismes plus envahissants encore. Certaines espèces sont capables de dégager des substances toxiques pour les autres plantes (allélopathie). Bien souvent, leurs modes de reproduction, végétative ou sexuée, et de dissémination sont très efficaces (un petit fragment de plante suffit à se reproduire, grande production de graines, drageonnement intense…). Sans la limitation par des organismes régulateurs de leur zone d’indigénat (insectes consommateurs, champignons pathogènes…), les exotiques supplantent parfois facilement les indigènes.
Les conséquences sociétales de ces invasions biologiques peuvent parfois être, elles aussi, spectaculaires : cas d’allergies, maladies d’espèces animales provoquées par ces plantes, voies navigables entravées, services écosystémiques affaiblis, etc. Tout ceci entraîne un coût supporté par la société qui atteint des sommes colossales dans nos pays d’Europe, et même parfois ailleurs dans le monde des catastrophes humanitaires…
L’introduction d’espèces exotiques peut donc avoir des conséquences sur la stabilité des écosystèmes et constitue certainement un nouveau type d’artificialisation de la nature par l’homme. Ces exotiques sont-elles vraiment plus belles que nos plantes indigènes, ces parterres apprêtés sont-ils vraiment plus intéressants que les prairies fleuries sauvages ? Autant de questions qui poussent à la réflexion sur l’aménagement de nos espaces privés (jardins, forêts…) ou publics (parcs, parterres fleuris, bords de route…).
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