La première note de la série « Ouvrons l’œil et le bon ! » de Bernard Clesse est consacrée aux jonquilles de son magnifique jardin.
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par Bernard CLESSE, assistant de direction et Écopédagogue au Centre Marie-Victorin des CNB.
Des centaines de pieds de cette jolie Amaryllidacée (1) indigène parsèment « la partie sauvage » du jardin. Introduite ici en quelques exemplaires il y a 20 ans (en provenance d’un autre jardin), elle a eu le temps de faire de nombreux petits. Il faut plusieurs années avant que la jeune jonquille (Narcissus pseudonarcissus) se mette à fleurir !
Dans la nature, la jonquille est assez commune à assez rare dans les districts ardennais, mosan et brabançon, plutôt rare ailleurs. Son écologie est assez surprenante : de la chênaie acidophile ou de la prairie fraîche voire tourbeuse en passant par la chênaie-charmaie calcicole sur sol caillouteux très drainant… Les magnifiques prairies ardennaises constellées de jonquilles (celles de la région des Hautes Fagnes sont notamment fort réputées et rendent certaines balades inoubliables !) témoignent des terrains gagnés par l’homme sur la forêt depuis des temps ancestraux…
Sur le plan botanique, elle fait partie de la classe des Monocotylédones dont les caractères typiques sont ici : la nervation des feuilles parallèle, les petites racines fasciculées, le nombre de pièces à l’enveloppe florale multiple de 3 (ici un périgone à 6 tépales jaunes), le nombre d’étamines également multiple de 3… (2)
La fleur solitaire (3), qui à l’état de bouton est protégée par une spathe constituée de deux bractées parcheminées, est portée par un long pédoncule se développant à partir d’un bulbe souterrain. Ce bulbe est feuillé comme celui de l’oignon (4); la tige véritable est par ailleurs comme chez l’oignon réduite à une petite zone bombée à la base du bulbe, le reste étant constitué d’un empilement de petites feuilles modifiées ± charnues et blanches (vu que la chlorophylle ne peut s’exprimer dans le sol). Quelques feuilles linéaires et de couleur glauque s’échappent du centre du bulbe entourant ainsi la fleur solitaire. Une petite gaine translucide (5) formée par d’autres feuilles modifiées enserre leur base, à la sortie du sol.
L’élément le plus spectaculaire est bien entendu l’enveloppe florale(6) qui, il faut l’avouer est quand même surprenante : formée de 6 tépales jaune pâle, soudés par leur base mais rapidement étalés en lobes individuels, ils sont accompagnés d’une couronne tubulaire jaune vif appelée paracorolle, soudée à la gorge du périgone. Six étamines jaunes, caractérisées par un long filet soudé à l’intérieur du périgone(7) et par une anthère linéaire insérée dans le prolongement du filet, entourent un long style, jaune également et terminé en un stigmate trilobé(8) qui renseigne sur le nombre de carpelles : 3. La position de l’ovaire, typiquement infèreici s’oppose aux espèces de la famille, toute proche, des Liliacées, dont les fleurs possèdent un ovaire supère ! À la coupe transversale(9) , l’ovaire montre clairement 3 loges séparées par des cloisons. La placentation des ovules est donc typiquement axile. Les grains de pollen(10) sont très banaux somme toute : ± elliptiques quoique souvent un peu asymétriques, lisses et à parois épaisses (43-56×32-38 microns). Sur une des photos, l’on peut voir la germination du grain de pollen et le début d’un tube pollinique (11).
Le fruit(12), formé ici à partir de 3 carpelles soudés sera une capsule (fruit sec s’ouvrant à maturité par ≥ 2 fentes ou trous) qui s’ouvrira fin du printemps-début été en 3 valves.
En Belgique, c’est le seul narcisse sauvage mais il existe pas mal d’espèces et sous-espèces ornementales exotiques qui s’acclimatent pas mal chez nous. Le tout aussi superbe narcisse des poètes (Narcissus poeticus)(13) s’échappe parfois de jardin.
À bientôt pour une prochaine (re-)découverte…
Bernard